Les Tribulations d'une famille sur les routes de la soie” /> User-agent: Googlebot allow: /

03 juin, 2006

Turquie de l'est

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On s’enfonçant plus à l’est les repères s’estompent; les paysages avec ces vastes steppes deviennent plus sauvages et la population parsemée.

Un lieu qui illustre parfaitement cette atmosphère de bout du monde se situe sur le site antique du Nemrut dag. L’accès particulièrement abrupt et pentu, sur un revêtement en blocs de basalte, a fait souffrir l’AX qui a du finir sans ses passagers pour atteindre le sommet à 2 150 mètres ! Là de colossales statues trônent au pied d’une pyramide d’éboulis. En fait les statues ne sont pas si nombreuses et si « colossales » que ça. Les vestiges en eux-mêmes nous laissent donc un peu sur notre faim.





C’est dans la ville de Diyarbakir, qu’on a la nette impression d’avoir atteint le lointain Orient. Les bruits, les odeurs, et la foule dense, se mêlent dans ce foyer de la résistance kurde. Si plus de femmes portent le tchador noir enveloppant, il règne ici, comme dans les autres villes turques, une grande liberté vestimentaire.

Pour ne pas faillir à la règle nous sommes gentiment invités chez un marchand de tapis particulièrement attaché à son identité kurde (la plupart des gens que nous rencontrons dans cette région réfutent leur nationalité turque). La présence importante de militaires (surtout vers le lac de Van) nous montre que la région est toujours étroitement surveillée même si les autorités semblent lâcher un peu de lest (une télévision kurde vient d’être créée).

Mais comme ailleurs en Turquie, la ville est un reflet de deux mondes qui se côtoient : une modernité tapageuse et dynamique, et une omniprésence religieuse. En dépit des difficultés économiques il règne une grande effervescence dans la construction, des cités entières bordées d’immeubles multicolores poussent dans les banlieues des villes, ainsi que de très nombreuses mosquées. En revanche, la télévision affiche une modernité radicale et commerciale (des encarts de publicités s’incrustent sur le bas de l’écran pendant la diffusion des films !). Les programmes sont à la fois modernes dans la forme et le contenu (Tel. Portables, ordinateurs, épilateurs électriques...). On découvre les mêmes jeux télévisés qu’en France (repris sur le modèle américain) tel que « Qui veut gagner des millions », même dramaturgie, même décor et musique. L’uniformité du monde passe en priorité par la petite lucarne... et quel fossé avec la vie traditionnelle d’un village turque.
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La Turquie nous réserve beaucoup de merveilles et quelques soucis :

Les merveilles
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Nous contournons le lac de Van, une vaste étendue d’eau tranquillement assoupie au fin fond de l’Est de la Turquie, enchâssée dans un cadre magnifique de montagnes dénudées et de cimes enneigés. Nous poursuivons cette route pittoresque en remontant vers le nord à la découverte du palais d’Isac Pacha.
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Le cadre est époustouflant : Le palais édifié au 18ème siècle surplombe une vaste plaine avec en toile de fond le Mont Ararat. Instant inoubliable que d’assister, un verre à la main, au coucher du soleil sur cette merveille.

Réveillés le lendemain matin par les cris de rongeurs non identifiés, (voir la photo ; ceux qui reconnaissent peuvent toujours me renseigner).
C’est en pleine forme que nous prenons notre petit déjeuner en compagnie d’Alexis, un cyclo-campeur français, rencontré la veille au sommet d’un col à 2 644 m.
Il arrive du Caire, quelque peu échaudé par les jets de pierres des gamins kurdes du coin, et repart dans quelques jours vers la France en pédalant sur son drôle d’engin. Mais d’abord il compte bien réaliser l’ascension du mont Ararat.
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Nous-mêmes, en route vers la frontière iranienne, à 35 km de là, nous passons devant ce sommet mythique où se serait échouée l’Arche de Noë. Mais c’est ailleurs que nous échouerons...

Refoulés :

Nous restons, en tout et pour tout, deux minutes sur le territoire iranien, le temps pour l’officier en charge de l’ouverture des grilles de s’apercevoir qu’il manque le nom des enfants sur mon visa. Par de grands gestes et des cris de détresse il nous fait signe de déguerpir aussitôt, marche arrière sur une dizaine de mètres en territoire turc.

Tandis qu’une femme, coincée entre les grilles des deux pays, supplie et pleure toutes les larmes de son corps afin de pouvoir entrer en Iran, nous commençons à parlementer avec les douaniers. Mais rien à faire. Ils restent inflexibles face à notre feinte incompréhension. Il faut retourner 300 km en arrière jusqu’à la ville d’Erzurum, trouver le consulat iranien et dénicher un fonctionnaire suffisamment téméraire qui inscrive sur mon bout de papier le nom de deux enfants sages (qui ne jettent pas de pierres sur les impies).

Coincés :

Sauf que - classique ! - le visa turc de Xiao-Lin a été annulé, elle ne peut donc plus retourner sur ses roues, tout comme moi et le véhicule, qui avons plus que virtuellement quitté le territoire. Notre sortie fut notée de manière informatique. Dans ce cas là - comme je vais l’apprendre au bout de quelques heures - pas de retour possible. Les programmateurs ne l’ont pas prévu ; à se demander s’il ne s’agit pas d’une vaste mise en scène pour nous rincer.

Finalement on a bien voulu rajouter un coup de tampon sur nos passeports pour annuler les précédents, mais pour la voiture ils ne veulent rien savoir, il faut qu’elle sorte du territoire... pour y revenir ensuite ! Les douaniers iraniens sont d’accord pour me laisser entrer et ressortir seul avec le véhicule, à ceci près que mon visa sera tamponné et inutilisable.

Au bout du compte, beaucoup de stress et de fatigue, 5 heures d’attente, et 70 euros dans les bonnes poches afin de me permettre de me faufiler intra-turquos avec l’AX et simuler mon entrée en Turquie. Dans sa guérite un officier de police turc me demande si j’arrive bien d’Iran. Je mets quelques secondes avant de comprendre et de réagir, et puis cela fait tilt ! " Oui, oui, bien sûr, d’où voulez vous que je vienne ? ! ".
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Vaisselle cassée
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Retour à tombeau ouvert sur Erzurum. 300 kilomètres de bitume moelleux constellé d’imprévisibles et profondes trouées particulièrement difficiles à éviter lorsqu'un camion surgit en face. Cette fois-là, ce fut la fois de trop; la voiture plonge dans un nid d'autruche. Craquement sourd, sifflement et fumée qui sort de la roue arrière... Je pile.

Vérification des dégâts, rien d’apparent, hormis le fait que le pneu arrière droit sent le roussis. Je veux redémarrer pour voir s’il y a frottement, mais la voiture refuse de repartir. Le moteur est en rade.
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Par chance, deux Turcs dans leur camion se portent à notre secours. Vite fait bien fait ils remorquent notre voiture à l’aide d’une corde. Mais nous ne ferons pas plus de 500 mètres. Le pneu arrière droit, qui devait frotter sur la carrosserie, explose.

Heureusement nous avons croisé les rois de la débrouille. Les camionneurs conduisent leur engin en contrebas de la chaussée, baissent la ridelle, et chargent la voiture dans la remorque du Mitsubishi. Ils nous assurent que dans la ville qui se trouve à proximité il n’y a pas de garages qui puissent effectuer les réparations. C’est donc une bifurcation de 125 km, de retour vers le lac de Van, que nous opérons. Hélas dans la ville indiquée, tous les garages, en ce dimanche, sont fermés.

Finalement après avoir visité la famille en cours de route, fait une halte thé, essuyé un orage, nous sommes hébergés chez nos deux camionneurs : Mehmet et Halis. Nous partagerons le repas à même le sol avec la famille : mouton récalcitrant, soupe de concom-bre, yaourt, galettes de pain... La soirée se termine par une séance de brossage de dents - un peu gênante - dans une bassine et devant toute la famille réunie !
Levés à 5 heures du matin nous sommes les premiers arrivés au garage. Il y en a plusieurs regroupés dans un lotissement à l'extérieur de la ville, chacun ayant sa spécialité. Mais ici les voitures diesel ne sont pas légion (en revanche les Citroën sont courantes, et récentes). Finalement l’un d’entre eux finit par accepter de soigner la bête : reconnecter quelques câbles sournois, et changer les bougies de préchauffage et la batterie (tout cela était-il bien nécessaire ?).
Nous repartons le portefeuille bien allégé, mais encore trop lourd pour notre petite auto : la roue arrière droite frotte toujours légèrement sur la carcasse de la voiture, et risque d’exploser à tout moment. Les garagistes du coin nous assurent qu’ils ne peuvent rien y faire.

A cet instant précis nous sommes à deux doigts de jeter l’éponge, de mettre la voiture dans un cargo et prendre l’avion pour la Chine. Voyant notre désarroi l’un des garagistes frappe au burin sur la tôle pour l’éloigner un peu plus du pneu, puis nous conseille de charger le maximum de poids sur la gauche.

C’est ainsi que nous repartons. Advienne que pourra. Je vous passe les détails mais la suite ne fut pas plus simple... Lors de notre recherche en ville dans l’acquisition d’un nouveau pneu, la clef de contact refusa de fonctionner... Bloqués une fois de plus... Retour au garage pour changer le Neiman... Trouver un pneu de secours pas tout à fait de la même dimension... Bref j’en avais raz le bol de cette succession de coups pourris ; Xiao Lin et les enfants devaient patienter ici et là dans les garages et dans la rue... La fatigue se faisait sentir... Nous avions hâte de quitter ce bled tordu.

Nous repartons en fin d’après-midi avec la voiture estropiée, Xiao-Lin assise sur le siège arrière gauche, et un des deux enfants devant. De nombreux postes de contrôle militaires nous ralentissent. La fréquence des contrôles est peut-être liée aux troubles récents : La police paramilitaire a tiré des coups de semonce aujourd’hui pour empêcher une foule en colère de lyncher cinq suspects accusés d'avoir violé une touriste suisse dans le secteur !
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Irons nous en Iran ?

Enfin, un jour plus tard et 300 km, Hourra ! Le personnel du consulat d’Erzurum un joyeux luron qui ose rajouter le nom des enfants sur le visa iranien... Dans deux jours on y rentrera peut-être dans ce pays si l'AX, XL et SL tiennent le choc !

Dernière minutes : à l’annonce de nos déboires les messages que je reçois sur ma messagerie sont partagés ; certains m’encouragent à poursuivre la croisière en soulignant, avec la prudence requise, que " the show must go on ", d’autres en revanche, vu le dépérissement du véhicule, me préconisent de laisser tomber en précisant " qu’il n’y a pas de honte à changer son fusil d’épaule, et de prendre l’avion " ! Certes mon orgueil de papa aventurier ne doit pas se faire au détriment de la sécurité des enfants et de Xio-Lin... Entre les deux options mon coeur balance... Plutôt d’un côté... A suivre...
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Rouler en Turquie :
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Etat des routes : De bon à médiocre. Les petites routes n’ont parfois plus de bitume. De même que les grands axes constamment remaniés. Nids de poules fréquents. Les routes sont larges, avec de grandes courbes et de longues lignes droites. Peu d’autoroutes, souvent gratuites ou peu chères.
Conduite : Assez bonne, hormis dans les villes où elle devient vigoureuse. Klaxon largement utilisé aux feux, dépassement en tous sens. Signalétique correcte. Peu de circulation en campagne, mais très dense en ville. Vitesse respectée. Contrôles policiers fréquents autour des grandes agglomérations et très fréquents dans l’Est du pays. Nombreuses stations-derviches (merci Laurent !), aucun souci pour trouver du gasoil (très cher).

Quelques prix :
Diesel 1,20 euro/l ; 1 l de lait 1,2 euro ; Oranges 0,60 euro le kg. Pain 0,30 euro ; Camping entre 3 et 10 euros pour 4 pers. ; Hôtel, chambre triple avec petit déjeuner et climatisation : entre 18 et 30 euros (sauf Istanbul + cher). Repas pour 3 pers (3 plats chauds + salade) au restaurant : entre 6 et 13 euros.

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9 Commentaires:

At 03 juin, 2006, Anonymous Anonyme a commenté...

Serge, (je me permet de te tutoyer)

Tu écris que l’uniformité du monde passe en priorité par la petite lucarne... mais le voyageur est lui aussi par nature un vecteur de pollution culturelle qui (comme tout autre forme de communication) mène à l'uniformisation.
Enfin ... après tout, c'est le vecteur de pollution culturelle le moins idiot car il y prend son plaisir et en donne aux autres.

Bonne continuation à tous.


benjamin edenuniverse.net

 
At 06 juin, 2006, Anonymous Anonyme a commenté...

salut comment sa va tout le monde va bien sa route; pas de problemes( soleil dans la sarthe) merci pour les belles images bien amicalement marie chistine bon courage a tous

 
At 09 juin, 2006, Anonymous Anonyme a commenté...

Coucou,
que de peripeties dis donc!!! Nous esperons que vous avez tous retrouvé le moral, quoi qu'il en soit, bonne continuation!!!

Chantal, Guy, Estelle et Teddy

 
At 09 juin, 2006, Anonymous Anonyme a commenté...

salut les Leret's
c'est mon 1er passage sur ton blogg et je prends toujours autant de plaisir à lire tes recits. Bonne route et bon vent à vous 4
Bernard / Heidwiller / Alsace

 
At 09 juin, 2006, Anonymous Anonyme a commenté...

Voiture, avion, bus, vélo... Le bon choix sera le votre et n'oubliez pas que le plus important sont les moments vécus et non ceux que l'on a raté. Même si c'est parfois dur de changer ses rêves... Bon courage et bonnes routes !
La famille DANNECKER
(CCistes)

 
At 10 juin, 2006, Anonymous Anonyme a commenté...

Salut Serge,

Un petit encouragement depuis Bordeaux pour vous soutenir moralement dans vos epreuves.
Et si le sel de l'aventure etait justement dans ces moments difficiles, cela permet aussi de mettre du piment dans tes récits, et nous tient en haleine..Mais que va-t'il leur arriver encore?

Allez , bonne route , on attend de tes nouvelles avec impatience..

Laurent LERET

 
At 11 juin, 2006, Anonymous Anonyme a commenté...

Bonjour Serge, Xiao-Lin, Lino et Bonnie,
Eh ben que d'aventures. Mais c'est raconté avec plein d'humour alors on est pas inquiets pour la suite... malgré qu'à bien y réfléchir ça commence à être des gros pépins. Mais bon tout le monde va bien s'est l'essentiel et en plus vous avez croisé des gens sympathiques qui vous ont hébergé.
Alors continuer en AX ou pas, that is the question ? Y aurait pas des voitures d'occas dans le coin ?
Bon de toutes façons comme dit la famille Danneker votre choix sera le bon et arrivés en Chine il faudra continuer à nous tenir en haleine de vos aventures (car le pays est grand et vous allez peut être vous risquer à y faire un petit périple familliale à vélo durant ces 3 ans).
Bon de toutes façons à bientôt
Bisous à tous

 
At 11 juin, 2006, Anonymous Anonyme a commenté...

Bonjour à vous,

Houlô (1) !

Entre les problèmes de bagnole et les difficultés bureaucratiques, c'est la peste et le choléra vous sont tombés dessus :-(

Quelque soit la solution que vous adoptiez, vous avez tous mes encouragements !

Laurent M-K

(1) version nantaise du sarthois "Heulô !"

 
At 21 mars, 2011, Anonymous une cigogne. . . a commenté...

Les petits rongeurs en question sont des chiens de prairie. . .

 

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