Les Tribulations d'une famille sur les routes de la soie” /> User-agent: Googlebot allow: /

02 juillet, 2006

Turkmenistan


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Il a fallu attendre plusieurs minutes et le coup de sifflet final de l’arbitre avant que l’inspecteur des douanes iranien, vautré devant son téléviseur, daigne examiner nos passeports. Lorsqu’il les tamponna et que nous pouvions sortir de son pays ce fut une double victoire. Une pour l’équipe de France qui venait de mettre à terre ses voisins espagnols par 3 buts à 1, et la nôtre puisqu’on pouvait désormais avancer d’une case à la découverte d’un nouveau terrain de jeux.

Prévenu par avance des lourdeurs administratives de la douane turkmène, on peut presque considérer comme acceptable les trois heures de procédure qu’il nous a fallu pour franchir la dernière barrière. A ceci près que le soleil était au plus haut, que dans la voiture en plein soleil la température dépassait les 53 degrés, et que les taxes d’entrées, uniques en leur genre, ne nous facilitaient guère la respiration. A savoir, pour ceux qui auraient cette idée incongrue de traverser le Turkménistan en véhicule motorisé, que les taxes de passage se décomposent comme suit :
Désinfection du véhicule : 1 $ (à noter que le véhicule n’a pas été désinfecté, alors qu’à la douane ouzbeke nous sommes entrés dans un bassin de désinfection, mais là c’était gratuit !)
Taxe routière : 30 $ (calculés en fonction du nombre de kilomètres parcourus dans le pays et du type de véhicule. Une feuille avec une carte et le parcours précis vous est remise. Théoriquement votre itinéraire ne doit pas en dévier. Pour s’en assurer, de nombreux postes de contrôle jalonnent la route, voir ci-dessous).
Compensation du prix du carburant : 21 $ (pourquoi pas ?).
Assurance au tiers : 35 $
Traitement des documents : 5 $
Taxes bancaires : 3 $

Soit un total de 95 $ pour le transit d’un petit véhicule entre Saragh et Farab, pour une distance d’un peu moins de 600 km. A cela s’ajoute une taxe d’entrée par passager de 10 $.

Nous avons donc payé ce qu’il y avait à devoir sans aller jusqu’à arroser les différents fonctionnaires comme le font assez complaisamment les routiers qui ont le " budget " pour. Ainsi dans les différents bureaux les billets tombent des passeports et voltigent de toutes part. Nombre de ces camionneurs sont turcs et transitent par le Turkménistan pour rejoindre l’Ouzbékistan. Compte tenu de l’omniprésence de la mafia turque dans ce dernier pays les semi-remorques subissent une fouille plus poussée. Fouille probablement faite avec plus ou moins de zèle, selon l’importance du bakchich ; ici nous voyons un chien renifler à la recherche de drogues, là un douanier plonger sa main dans les réserves d’eau. Pour notre part, la fouille ne dura pas plus de 15 secondes. Il faisait vraiment trop chaud pour le pauvre officier bedonnant sorti de sa cabane climatisée.

On aurait pu penser que toutes les tracasseries administratives se concentraient à la douane, mais pas du tout ! Ce n’était que la pointe de l’iceberg (dans un désert) !

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Slalomant entre les nids de poules sur un goudron hasardeux, il ne fallut guère de temps avant de se rendre compte que nous allions traverser, sinon l’un des déserts les plus chauds de la région (désert du Karakoroum), au moins le plus surveillé. A savoir que tous les 5 ou 50 kilomètres - la fréquence est aléatoire - un poste de contrôle vous barre la route. Outre une vérification des papiers par un jeune soldat illettré déguisé en cow-boy australien, il faut s’avancer vers la guérite et procéder à l’enregistrement de données essentiels : l’heure de notre passage, le numéro du véhicule, du passeport, etc... Ainsi, ceux qui douteraient de la réalité de notre périple peuvent en toute confiance consulter les archives de l’administration turkmène. En général, les rapports avec les policiers de ces postes sont plutôt bons, voire parfois bon enfant. A quelques occasions on nous laissa entendre qu’il serait bon de verser quelque dîme aux bonnes œuvres des forces en présence, mais on entendait mal.

Toutefois, avec la fatigue et la chaleur, cela devint vite exaspérant. Et lorsque 270 km plus loin nous sommes parvenus sans encombre - Dieu soit loué - à Mary, troisième ville du pays, il y eut comme un grain de sable de trop. Nous nous étions égarés sur l’une de ces longues avenues plantées d’arbres tirée au cordeau entre d’immenses esplanades impeccables et vides, lorsque sur un croisement je me suis attardé un peu trop longtemps. Le feu vert avait clignoté (avant de passer à l’orange et au rouge). Le flic avait sifflé. Papiers il avait attrapés et quelques subsides il avait réclamés. Mais là les gonds de Xiao-Lin ont fini par sauter. L’agent de circulation peu habitué à subir les foudres d’une étrangère se recroquevilla aussi sec. Nous sommes repartis sans lui laisser le temps de reprendre corps. Nous avions épuisé notre réserve de basse amabilité.

C’EST QUOI CE PAYS ?
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D’abord le pays est sous la coupe d'un dictateur d'un autre temps, Nyazov. Responsable du parti communiste turkmène à l'époque de l'URSS, il est devenu président en 1990 peu avant l'indépendance en 1991, puis réélu avec 99,5 % des voix en 1992. Depuis le culte de la personnalité voué au président est sans limites. Elu à vie, le chef des turkmènes " le Turkmenbashi " sexagénaire souriant est présent partout, au moindre coin de rue, sur la plus petite place, sur chaque espace libre, sur les écoles et les billets de banque ; statues en or, panneaux publicitaires, bustes, portraits. Vive le Nyazov !

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Cependant, situé en bordure de l'Iran et de l'Afghanistan, le Turkménistan avec son apparente et rigoureuse stabilité tombe à pic pour les puissances mondiales. On préfère fermer les yeux sur les délires du despote d’autant que sous le sable brûlant du pays on a mis au jour l’une des plus grandes réserves de gaz au monde. Mais les voies de sortie pour les richesses de son sous-sol sont complexes. Quelques vieux oléoducs transitent vers les anciennes républiques soviétiques insolvables et un peu de gaz passe par l'Iran mais les tuyaux sont petits et les taxes élevées. Restent de vagues projets fort coûteux d'un gazoduc sous la mer Caspienne pour rejoindre la Turquie. Bref le Turkménistan est devenu une pièce maîtresse dans le nouveau " grand jeu " d’Asie Centrale. Alors la communauté internationale s’accommode des lubies du tyran, d’autant que ses projets pharaoniques et urbanistiques font les choux gras de nos grandes entreprises du BTP...

LA POPULATION
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Au restaurant double plaisir : Voir de la chair fraîche et boire de la bière fraîche ! Pas facile de se déshabituer du tchador et du thé, de quitter mes yeux de ces ventres à l’air, de ces longues jambes nues et de ces décolletées généreux. A la limite de la provocation, cses jeunes serveuses slaves. Et quel contraste avec l’Iran ! Le Turkménistan est certes un pays à majorité musulmane, mais surtout, comme dans le reste des pays d’Asie Centrale, les siècles de migrations ont composé un formidable patchwork ethnique. Quelle diversité dans les visages et les costumes : turcs, slaves, chinois, moyen-orientaux... De longues robes colorées et fleuries (majoritaires) côtoient jeans et mini-jupes. Dans ces pays de métissage, Bonnie et Lino sont comme deux poissons dans l’eau.
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Quant aux hommes, aucun signe particulier, si ce n'est qu'ils arborent de belles dentitions en or !

Après Mary nous poursuivons notre longue, monotone et caniculaire (près de 45°C) traversée du désert, avec pour seules merveilles celles de la cité antique de Merw.

Une fois n’est pas coutume, voici ce qu’en dit Lino dans son journal (Complété de mes précisions entre parenthèses) :

" Nous avons visité un terrain où il y avait une ville autrefois, il y a très très longtemps (la cité connut son âge d’or à l’apogée de la Route de la Soie au XI et XII siècles). La ville a été attaquée par une troupe Mongole (le fils de Gengis Khan). Un seul cavalier mongol pouvait tuer entre 300 et 400 personnes (près d’un million de personnes furent ainsi trucidées !). Quand le petit-fils du chef de la ville s’évada d’une prison et qu’il aperçut toutes ces ruines il était tellement triste qu’il mourut de chagrin " ; ajoutons à cela, puisque Lino y est un peu moins sensible, le fait que Merw est le point le plus occidental de l’expansion du bouddhisme (une butte en terre est sensée marquer l’emplacement d’une stupa ; voir photo)
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En chemin nous faisons enfin connaissance avec l’emblématique animal du désert :

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puis d’un cycliste irlandais en route vers la Chine, tout à fait ravi d’être au milieu de nulle part en pleine fournaise ! Mais ils sont fous ces cyclistes !

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Enfin au bout de trois jours nous parvenons à la frontière ouzbeke en ayant essuyé les tracasseries habituelles : Un policier prétexta que ma plaque arrière n’avait pas la même couleur que celle de devant et manqua de l’arracher afin de nous soutirer quelques billets ; Pour un autre c’est Lino qui ne devait pas être sur le siège avant, etc... Nous avons également eu toutes les peines du monde à être acceptés dans un hôtel bon marché qui ne prenait que les dollars en petites coupures (l’unique autre hôtel était hors de prix : 90 dollars pour 2 personnes)... Bref chacun faisait preuve d’imagination pour mettre ce pays à l’abri d’une quelconque invasion touristique.

Rouler au Turkménistan :

Etat des routes : De moyen à médiocre. Peu de routes sillonnent le pays et la plupart n’ont pas été entretenues depuis l’Indépendance. Les grandes villes sont traversées de gigantesques artères entrecoupées de feux tricolores au fonctionnement aléatoire (dilemme turkmène : lorsqu’un feu reste bloqué au rouge, faut-il tenter de passer en sachant qu’un agent de police est probablement dissimulé derrière un arbre ?). Quelques voies express dans la capitale.
Conduite : Correcte à très prudente dans les villes (les chauffards sont vite repérés). Signalétique médiocre, quasi inexistante, très difficile de s’orienter dans une grande ville et surtout d’en sortir (heureusement les Turkmènes sont extrêmement serviables, plusieurs sont montés dans la voiture pour nous remettre sur le bon chemin) ! Circulation fluide, essentiellement de grosses voitures japonaises (pour les apparatchiks et hommes d’affaires, et d’antiques Lada), très peu de camions. Nombreux contrôles routiers et policiers (voir texte plus haut). Stations-service fréquentes, essence et diesel (de minuscules stations dotées de réserves à ciel ouvert jalonnent les routes).


Quelques prix :

Diesel 0,20 euro/l ; Galette de pain 0,10 euro ; pas de campings mais beaucoup d’espace dans le désert ; Hôtel simple de type collectif soviétique, sans douche, W-C insalubres à partager : 4 euros par personne environ. Le reste de l’hôtellerie passe automatiquement en haut de gamme : 40 dollars minimum la chambre double. Repas au restaurant (brochettes) très bon marché.

Taux de change (juin 2006) :
1 euro = environ 30 000 manats (Meilleur change et le plus simple obtenu au marché noir). Les plus gros billets sont des coupures de 10 000 manats, soit 33 centimes d’euro ! Les euros sont difficile à convertir, se munir de préférence de dollars.
M

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4 Commentaires:

At 02 juillet, 2006, Anonymous Anonyme a commenté...

Salut Serge, Xiao Lin et la mignonne progéniture!

Un petit mot pour vous dire que nous suivons avec intérêt, et parfois avec inquiétude vos péripéties. Dimanche prochain, notre avion pour le Laos passera un peu plus au sud de votre itinéraire, donc ne comptez pas sur un éventuel parachutage de pièces mécaniques. Alors tenez bon et bon courage pour la suite !

Amicalement, Ferdy et Edith

 
At 03 juillet, 2006, Anonymous Anonyme a commenté...

espère que tout va bien depuis ton blog d'hier, que le temps ne vous empoisonne pas trop. C'est quoi caniculaire pour vous ? ici c'est pas mal non plus.
Dites de ma part à gentille AX convalescente qu'il faut à tout prix contourner sagement les nids de poule et ne pas jouer à saute mouton dessus, car des fois ca ne marchepas. Ou doit-on le dire à son chauffeur.Courage à tous les 5, même si le programme a eu quelques entorses je pense que vous êtes sur la bonne moitié des 100 jours . Bises amicales. Jacqueline F

 
At 22 juillet, 2006, Anonymous Anonyme a commenté...

J'ai été attiré par votre périple parce que vous étiez venu projeter à l'école devant tous nos élèves, le montage diapo de votre premier voyage en Chine il y a quelques années...
Je suis votre petite famille régulièrement et j'admire votre détermination.A la rentrée j'aurai un CM1 et j'aimerai rester en contact avec vos deux enfants.
Un Directeur d'école de Champagné (Sarthe)

 
At 07 mars, 2009, Anonymous Anonyme a commenté...

Très intéressant vos commentaires détaillés sur ce pays. Le passage à la douane fait à demi sourire

 

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