Les Tribulations d'une famille sur les routes de la soie” /> User-agent: Googlebot allow: /

14 octobre, 2006

Un gars en Chine

Mais qu’est-ce qui fait ce gars-là ?

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7 h 00 du matin, petit déjeuner avec les enfants tout en prêtant une oreille distraite aux informations de France-Inter captées grâce à la magie d’Internet. Difficulté de s’intéresser aux préoccupations franco-françaises du moment : le choix des différents candidats pour de prochaines élections. Le but semble être de distiller à longueur d’antenne rumeurs et diffamations contre son adversaire (on dit qu’un message négatif est cinq fois plus efficace qu’un message positif). Cela participe-t-il au débat démocratique ? Choisir celui que l’on ne va pas choisir, vaste programme ! La liberté d’expression qui annihile tous messages et qui place tout le monde dans le même sac ; un serpent qui se mord la queue, je ne comprends pas ! Enfin, s’il me venait l’envie de revoir leur visage je pourrais toujours m’inoculer, par intra-web, les informations télévisés. J’apprécierais autant un bon camembert !
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Serge est branché
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En ce sens, Internet est pratique et rassurant, si ce n’était aussi un redoutable faucheur de temps ; j’ai l’impression d’avoir accès à toutes les informations imaginables : la une des journaux, les programmes des radios, des forums de discussions, des blogs... mais une journée entière n’y suffirait pas à parcourir les titres. Cela n’en reste pas moins un formidable moyen d’information et d’échange. Notre web-cam nous permet par exemple de temps à autre et par le biais de MSN de joindre mes parents. Par écran interposé ils peuvent ainsi dialoguer avec leurs petits-enfants et éprouver un plaisir presque réel de les voir " de visu ". Certes on peut déceler une certaine amertume, que ce n’est pas suffisant, que leurs petits-enfants grandissent trop vite, qu’ils sont encore trop loin... L’image et le son, ce n’est pas tout dans la vie.
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Pour me connecter à Internet en Chine, rien de plus facile. Branché sur le réseau large bande (sans abonnement téléphonique) je paie mon abonnement haut débit illimité 7,5 euro par mois. De plus en plus de Chinois y ont accès, sinon chez eux, au moins dans les cybercafés. Ainsi le nombre de connectés au réseau dépasse désormais les 123 millions, soit 20 % d'utilisateurs en plus par rapport à l'an dernier, ce qui fait de la Chine le deuxième pays au monde en nombre de connectés (le taux de pénétration dans la population frôle les 9%). Les Etats-Unis restent loin devant avec près de 204 millions d'internautes. La France comptait environ 27 millions d'internautes fin décembre 2005. Jusqu’à peu de temps l’anglais était la langue dominante sur Internet, mais il compte aujourd’hui pour moins d’un tiers des sites, le chinois et d’autres langues s’étant imposés.
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On parle souvent de sites bloqués par la censure et la police du web (30 000 d’entre eux seraient employés à traquer les internautes malveillants). Pour ma part je ne la ressens pas trop dans la mesure où j’utilise la langue française et que je peux ainsi avec les moteurs de recherche tels que Google ou Yahoo, avoir accès à un flot important d’informations diverses (pro ou anti chinoise). Cependant certains sites jugés sensibles où n’ayant pas conclu d’accord avec le gouvernement chinois restent inaccessibles (c’est le cas par exemple de l’encyclopédie en ligne Wiképédia* ; peut-être plus pour des raisons économiques (il existe une encyclopédie en ligne chinoise). De toute manière le flot d’informations est si important, comment serait-il possible de traquer le contenu de chaque message envoyé, par exemple sur un blog, ou dans les messageries instantanées ? A mon sens, compte tenu de l’évolution du nombre de personnes connectées, la bataille de la censure est perdue d’avance. En espérant que cette petite phrase ne bloque pas l’accès à mon blog !
*Dernière minute : au temps pour moi, Wikipédia serait à nouveau accessible aux internautes chinois. Il y aurait en langue chinoises plus de 270 000 articles, dont certains sont sujets à contreverse, voire filtrés. Plus d'infos sur le lien :
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Le salaire de Serge
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8 h 30, après avoir conduit les enfants à l’école en scooter électrique dans un doux silence ponctué de klaxons névrotiques, je me plonge sur ma messagerie internet, défrichant ici et là les réclames douteuses "Viagra for free, Rolex, Samantha want you, SNCF infos..." ne conservant que les messages de la famille, des amis et de mes admirateurs. Bon, je dois avouer que la plupart du temps il ne reste pas grand-chose. Suffisamment néanmoins pour y consacrer quelques minutes par jour. Questions de ce dernier mois : Serge, j’ai 17 ans, je voudrais faire le tour d’Europe en scooter, et je souhaite avoir quelques conseils ; Serge, nous sommes un groupe, nous voudrions visiter la Chine, quel endroit me conseilles-tu en priorité ? ; Serge, je suis un dessinateur de bande dessinée et je voudrais publier mon premier roman en auto-édition, comment faut-il s’y prendre ? ; Serge, je suis résident en Chine, je possède un véhicule immatriculé dans le pays et je voudrais retourner avec en France, est-ce possible ? Serge, peux-tu me donner des informations techniques sur le scooter de ton frère ?... A cela s’ajoutent les questions d’usages sur mon emploi du temps et sur nos moyens de subsistance :

Question : Serge, peux-tu nous dire en quoi consiste ton activité en Chine, et comment vis-tu actuellement ?
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Réponse : Nous possédons un appartement sur le Mans que nous louons et qui nous laisse après les charges et différentes retenues environs 300 euros. S’ajoute à cela une somme variable que je continue à percevoir sur la vente de mes livres, lorsque mon éditeur - fort sympathique au demeurant - veut bien me reverser mes droits d’auteurs. Pas de couverture sociale. Pas de retraite.
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Question non formulée : J’imagine que cela doit être difficile avec une telle somme de joindre les deux bouts, même en Chine ?
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Réponse formulée : Il faut comparer cette somme avec le salaire moyen d’un ouvrier ou d’un employé chinois qui se situe entre 800 et 1200 Yuans (80 à 120 euros), voire plus dans les villes comme Shenzhen, Pékin et Shanghai - Le salaire minimal imposé est de 60 euros en 2006 ; les prestations sociales et les aides aux logements sont théoriquement obligatoires au même titre que les fonds de pension et les indemnités de chômage. De façon générale ces prestations atteignent entre 30% et 60% du salaire. Cependant, hormis les entreprises étatiques et les multinationales, qui doivent suivre les directives, dans quelle mesure ces lois sont-elles appliquées ailleurs ? A noter aussi que plus de 63 millions de Chinois, selon le gouvernement chinois, soit quasiment 5% des 1,3 milliard d'habitants, survivent avec moins d'un millier de yuans par an. Cependant le niveau de vie en Chine n’est pas aussi bas qu’on pourrait le penser, en grande partie parce que les loyers et les produits de première nécessité sont très bon marché (compter 10% du prix français). Par contre dès que l'on s’oriente vers des produits plus haut de gamme ou high tech (cosmétiques, ordinateurs, voitures, immobilier...) on se rapproche presque des prix pratiqués en Europe (avec la croissance du marché intérieur on observe toutefois une tendance des prix à la baisse pour les produits manufacturés. Par exemple dans l’industrie automobile, en pleine expansion, on propose des voitures autour de 5000 euro).
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Questions mécaniques : Que devient l’AX ? Est-ce que tu roules toujours avec ?
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Réponse de l’expert auto : " Cette légère et astucieuse AX est, avec un certain recul, révolutionnaire. Bien qu'elle n'ait pas une allure de top modèle, la Citroën AX a su trouver la voie du succès. Lancée en 1986, la Citroën AX fête ses 20 ans. Par sa vocation ultra-économique conjuguée à des aspects pratiques remarquablement pensés pour l'époque, la petite AX aurait pu s'affirmer comme la digne descendante de la mythique 2 CV… Il ne lui manquait finalement qu'une bouille plus rigolote pour s'adjuger une cote d'amour propre à légitimer son héritage. Mais l'AX ne voulait pas amuser, (non non) elle reposait sur une conception des plus rationnelles, avec une ligne coupée au couteau et surtout, étudiée en soufflerie, afin de traquer la moindre prise d'air qui aurait fait grimper la consommation. A l’épreuve de la route, la petite AX convainc par son agilité, mais aussi par un comportement très probant pour une citadine de l'époque, lui permettant de se muer, à l'occasion, en petite routière le temps d'un week-end (!). En ville, son gabarit contenu s'allie à la nervosité de ses moteurs et sa vivacité de châssis pour la rendre à l'aise et lui permettre de se faufiler dans le moindre trou de muraille. l'AX reste une voiture légère et très vive. Plutôt fiable, elle rend de fiers services (à qui le dites-vous !) pour un budget minimal. Elle reste suffisamment spacieuse et pratique à l'usage, en même temps qu'elle est agréable à conduire et permet d'envisager la route (jusqu’en Chine !)". Alors oui la " petite routière " se porte bien, 204 000 km au compteur, avec encore suffisamment de répondant pour envisager d’autres petites balades... le temps d’un week-end prolongé...
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Question sur les enfants : Est-ce que les enfants s’habituent à leur école et à la vie en Chine ?
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Réponse : Les enfants s'adaptent à leur rythme. Lino s’est rendu compte que certains de ses camarades possédaient des cartes Yu Gi Ho. Or c’est un grand fan. Il avait laissé les siennes en France. Alors je lui en ai trouvé de nouvelles en chinois. De quoi créer un lien.
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Serge se livre
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9 h 15. Il est temps pour moi d’en venir aux choses sérieuses et de commencer l’écriture de mon prochain récit de voyage. Je mâchouille beaucoup mon Bic mais en fait j’écris peu. Je retrouve plutôt les joies de la lecture. Je n’avais emporté que deux livres avec moi (Bruce Chatwin, Ella Maillart). Puis je me suis rué sur quelques ouvrages glanés dans la bibliothèque de Philippe : William Boyd, Aamin Maalouf, François Bizot, thrillers... mais le stock s’épuise comme neige au soleil. Et puis à trop lire les autres cela me désespère. Impossible de mon côté d’aligner une ligne convenable. Ou alors il faut que je pompe. C’est toujours mieux ailleurs. Je ne sais pas s’il s’agit plus d’incompétence (c’est certain que je ne suis pas un écrivain) ou de fainéantise de ma part. Vivre d’une petite rente dans un coin tranquille de la Chine ça n’a rien de stimulant. Si j’étais confronté à la nécessité de gagner plus durement ma vie cela pourrait sans doute générer en moi une vigueur et des ressources d’énergie insoupçonnés. Je laisse tomber l’écriture.
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10 h 00 : Je me rabats donc sur mon diaporama. Moins de deux minutes réalisées en un mois. Je progresse. Et je m’embourbe. Des heures sur le net à chercher la musique appropriée. L’Orient et son univers musical. A me documenter sur la descendance de Gengis Kahn ; Les centrales nucléaires en Iran ; les projets de construction de voie d’acheminement du pétrole et du gaz en Asie... Un tas d’informations qui au bout du compte n’apparaîtront jamais dans la version finale ! Mais je continue à me documenter. Ca me plaît.
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12 h 00 : Je sens un fumet dans la cuisine. Ou alors je ne sens rien. Tout dépend si Xiao Lin est dans l’appartement ou à vadrouiller par monts et par rizières (voir paragraphe suivant pour l’explication de cette énigmatique et quasi quotidienne disparition). Auquel cas mon estomac gargouille et réclame son du. Je descends alors dans la rue à la gargote du coin avaler une soupe de nouilles que j’estime comme étant suffisamment consistante et appétissante. Puis, le nez coulant et les lèvres légèrement rougies par les épices, je peux remonter les quatre étages de notre immeuble et entamer quelque saine lecture. La matinée a été dure.
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Xiao Lin cherche

12 h 40 : Xiao Lin est de retour. J’écoute avec attention son compte rendu de la matinée. Oui. Non. T’es sûr ! C’est pas vrai... !
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Telle une Maco-Paulette chinoise de retour au pays après dix ans d’absence et de pérégrinations, Xiao Lin goûte à présent et par ricochets aux joies de la sédentarisation. Se sentir en sécurité parmi les siens dans son univers. Il ne lui reste plus qu’à trouver un port d’attache, une base, une possession pour se sentir - tels nos lointains ancêtres de retour dans leur grotte après une longue saison de chasse - en sécurité. Soit.
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Notre première intention fut de partir à la recherche d’un petit coin de paradis - rien que ça ! - nous focalisant sur la campagne et ses superbes paysages. Mais cela s’est vite révélé difficile : les sites de choix (par exemple au bord de la rivière) sont la chasse gardée des grands investisseurs, mais plus problématique encore, c’est que la propriété privée du sol en Chine n'existe pas. Le système foncier chinois repose sur les droits d’usages concédés (70 ans pour un particulier). Ainsi deux régimes de propriété publique du sol coexistent : le régime de la propriété d’Etat et celui de la propriété collective. Le premier est principalement applicable aux terrains en zone urbaine (ou tous ceux déclarés comme étant soumis au régime de la propriété étatique). Le second s’applique essentiellement aux terrains agricoles situés en zone rurale. Or les terrains ruraux sont réservés à l’agriculture et pour passer d’un régime à un autre cela tient de la Longue Marche (Statut qui peut, bien sûr, être contourné moyennant finances et relations bien placées).
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Bref, on abandonne peu à peu l'idée. Dommage, on avait trouvé un bel endroit très calme à 7 km de Yangshuo, un terrain de plus d'un hectare, à demi en friche, parsemé de rochers et d’arbres fruitiers, et agrémenté d’un étang. Les villageois étaient tout près de nous vendre leur part autour de 2 euros le m². Mais dès nos premières démarches auprès des autorités locales on mesura vite l’étendue des difficultés. Et puis inviter des responsables locaux à des beuveries ça ne m’enchantait pas trop.
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Alors maintenant Xiao Lin recherche plutôt une maison ou un appartement sur Yangshuo, plus facile à négocier, mais aussi beaucoup moins bon marché (une maison de 4 ou 5 étages (par manque de terrain tout est construit en hauteur), coûte entre 50 000 et 60 000 euros, en général en enfilade à l’architecture assez banale, avec possibilité de louer plusieurs étages - les loyers sont toutefois très bas, donc la rentabilité immédiate moindre). A réfléchir pour un investissement sur la durée. Peut-on emprunter en Chine ? Y a-t-il des risques que la situation politique du pays dégénère ? Ou au contraire que son ouverture au monde et l’euphorie économique l’emporte sur le reste ? Ca occupe l’esprit.
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15 heures. Après avoir visité ensemble une maison sans grand intérêt (adossée contre une colline rocheuse, l’intérieur est trop sombre et humide) je rebranche mon ordinateur et commence à téléphoner en France. Avec le décalage horaire il est 9 heures dans l’hexagone. Les librairies et les maisons de la presse ouvrent leurs portes. Grâce au système de téléphonie par internet Skype, je peux, pour un prix très modique (0,017 centime d’euro la minute), connaître l’état des stocks de mes livres et effectuer le cas échéant un réassort. Lorsque cela se présente, j’envoie factures et bons de dépôts à mes parents qui traitent ensuite la commande (avant de partir j’avais pré-emballé les livres en différents lots). Bénéficier ainsi de leur soutien et penser que certains Français n’ont pas encore lu mon livre, c’est une grande chance !
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16 h 30 : Je vais chercher les enfants à l’école en scooter. Goûter en leur compagnie. Puis Xiao Lin les assiste dans leurs devoirs.
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18 h 00 : Souper. Douche. Devoirs complémentaires si besoin.
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20 h 00 : La soirée se termine généralement derrière l’écran de l’ordinateur (nous n’avons pas de téléviseur). Je choisis avec les enfants (Xiao Lin n’est que sino-phile) un film que j’ai téléchargé (ai-je le droit ici ?). Avons revu la série des Shadocks (ils sont drôles ces Français d’antan !) ; Dessins animés à foison, période japonaise en ce moment, plus poétiques ; L’excellente série C’est pas sorcier (également diffusée sur les chaînes de télé chinoises) ; Puis avec eux je tente des petites incursions chez les frères Cohen (O Brother, Fargo...), Emir Kusturica, Woody Allen (période burlesque), et quelques classiques à grands spectacles. Toutefois la sensibilité exacerbée de Lino et ses propensions aux cauchemars me pousse à un peu plus de prudence (La Guerre des Mondes de Spielberg, avec les extra-terrestres qui pompent le sang des humains pour recracher leurs carcasses accompagné de confetti rouges, ça passe mal !). Hier on a conclu sur le film Un jour sans fin avec Bill Murray, l’histoire d’un homme qui revit éternellement la même journée. De la science fiction sympathique, bien que le message philosophique et moralisateur soit assez banal et improbable...
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7 h 00 du matin, petit déjeuner avec les enfants tout en prêtant une oreille distraite aux informations de France-Inter captées grâce à la magie d’Internet. Difficulté de s’intéresser aux préoccupations franco-françaises du moment...

Epilogue : Certains visiteurs de ce blog (qui m’ont écrit) ont cru déceler dans ce dernier message comme un semblant de déprime dans mes propos. Ce n’était pas mon intention. Au contraire, j'ai l'esprit libre, actif (par petites doses) dans mon travail, disposant du temps à volonté pour être plus près de mes enfants et de Xiao Lin, et ceci sans grosses contraintes financières. C'est déjà pas mal pour être heureux !

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2 Commentaires:

At 15 octobre, 2006, Anonymous Anonyme a commenté...

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At 15 octobre, 2006, Anonymous Anonyme a commenté...

Bonjour Serge, Xiao-Lin, Bonnie et Lino

Bon J'achète le prochain livre qui nous raconteras ton récit (il sort quand ?) et prend ton agenda Serge, t'as une date pour une projection à Landes-le-Gaulois ?Bisous à tous.

 

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